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Channel: Natura 2000 – Avec vue sur la Terre – Droit de l'environnement
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L’Oie et les petits poissons ou l’impermanence des eaux

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En l’absence de définition légale du cours d’eau non domanial, et comme la Cour de cassation en 2007, le Conseil d’Etat s’est penché sur la définition du cours au sujet d’un contentieux relatif à l’application de la police spéciale de l’eau (articles L . 214-1 et 3 du Code de l’environnement) notamment destinée à la prévention des pollutions, le contrôle du juge portant sur la qualification juridique du ruisseau de l’Oie.
Par un arrêt du 21 octobre 2011, le Conseil d’Etat a jugé de façon traditionnelle que « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année ». Pas de source, pas de cours d’eau avait déjà affirmé le juge administratif (CE, 19 novembre 1975, Cne Ramonville Sainte-Agne ; CE, 22 février 1980, n° 15516 et 15517, Min. Env. c/ Pourfillet et a.). Eaux de pluie et effluents divers ne peuvent suppléer à cette absence.
Ensuite, si la présence ou l’absence d’une faune piscicole n’est pas déterminante, la flore apparaît comme un indice majeur. Pour censurer l’erreur de droit commise par la Cour administrative de Nantes, il a précisé que « si la richesse biologique du milieu peut constituer un indice à l’appui de la qualification de cours d’eau, l’absence d’une vie piscicole ne fait pas, par elle-même, obstacle à cette qualification ».
Réglant l’affaire au fond, il a estimé que résultait de l’instruction que le ruisseau de l’Oie s’écoule depuis une source située en amont du plan d’eau litigieux et captée par un busage et qu’il n’est pas seulement alimenté par des eaux de ruissellement et de drainage ; que, si l’eau s’écoule dans des fossés aménagés dans un talweg, le ruisseau présentait, antérieurement à ce réaménagement, un lit naturel, comme en attestent les données cartographiques disponibles ; que, si l’écoulement de l’eau n’est pas permanent, cette caractéristique ne prive pas le ruisseau de son caractère de cours d’eau non domanial dès lors qu’il a, en l’espèce, un débit suffisant la majeure partie de l’année, attesté par la présence d’une végétation hydrophile et d’invertébrés d’eau douce. De l’ensemble de ces constatations découle la qualification de cours d’eau non domanial.
Et qui dit cours d’eau dit autorisation préalable pour qui veut y faire des prélèvements à des fins d’irrigation en application des articles précités.

Ainsi, si une source est nécessaire, la permanence de l’écoulement ne l’est pas, tant qu’il existe un débit suffisant (mais suffisant à quoi ?) la majeure partie de l’année. Cette définition extensive du cours à première vue surprenante ne l’est pas si on considère que l’objet est saisi par le droit pour sa protection. Dès lors, un caractère temporaire suffit à faire bénéficier d’une protection.
La même logique est appliquée aux zones humides. La loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau définit les zones humides comme « les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre, de façon permanente ou temporaire… ». La permanence de l’inondation ou de l’imprégnation en eau peut être un élément de définition légale de la zone humide, mais le caractère temporaire suffit à conférer la même qualification. L’article L. 211-1-I-1° C. env. vise également et d’une manière très large au soutien de cette définition, la présence non obligatoire de plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année.
La Convention de Ramsar du 2 février 1971 donne de la même manière une définition des zones humides extrêmement complète puisqu’elle comprend « les étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres » (art. 1er, 1). Une brève inondation suffit à caractériser une zone humide et consécutivement à faire entrer un maximum d’espaces dans le champ d’application de la Convention.
S’agissant du littoral, la protection des sites ou des paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel, nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentant un intérêt écologique concerne les zones humides mais également les milieux temporairement immergés (art. R. 146-1 C. urb.). Dans le même sens, l’annexe I de la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages retient au titre des types d’habitats naturels d’intérêt communautaire les eaux dormantes dont font partie « les mares temporaires méditerranéennes ».
Hors des milieux aquatiques sont également protégés au titre des habitats naturels les sites accueillant temporairement certaines populations pendant les périodes de reproduction, de mue, d’hivernage ou de migration (art. L. 414-1-II C. env.). C’est encore « l’utilisation extensive et saisonnière » des pâturages qui constitue « l’espace pastoral » (art. L. 113-2 al. 1er C. rur.).

Le droit comme la nature a horreur du vide, pas question de laisser échapper l’impermanent !


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